Dans ce
livre, Douglas Murray analyse la situation actuelle de l’Europe
dont son attitude à l’égard des migrations n’est que l’un des
symptômes d’une fatigue d’être et d’un refus de persévérer dans
son être. Advienne que pourra ! « Le Monde arrive en Europe
précisément au moment où l’Europe a perdu de vue ce qu’elle
est ». Ce qui aurait pu réussir dans une Europe sûre et fière
d’elle-même, ne le peut pas dans une Europe blasée et
finissante. L’Europe exalte aujourd’hui le respect, la tolérance
et la diversité. Toutes les cultures sont les bienvenues sauf la
sienne. « C’est comme si certains des fondements les plus
indiscutables de la civilisation occidentale devenaient
négociables… comme si le passé était à prendre », nous dit
Douglas Murray.
Seuls
semblent échapper à celle langueur morbide et masochiste les
anciens pays de la sphère soviétique. Peut-être que l’expérience
totalitaire si proche les a vaccinés contre l’oubli de soi. Ils
ont retrouvé leur identité et ne sont pas prêts à y renoncer.
Peut-être gardent-ils le sens d’une cohésion nationale qui leur
a permis d’émerger de la tutelle soviétique, dont les Européens
de l’Ouest n’ont gardé qu’un vague souvenir. Peut-être ont-ils
échappé au complexe de culpabilité dont l’Europe de l’Ouest se
délecte et sont-ils trop contents d’avoir survécu au soviétisme
pour se voir voler leur destin. Cette attitude classée à droite
par l’Europe occidentale est vue, à l’Est, comme une attitude de
survie, y compris à gauche comme en témoigne Robert Fico, le
Premier ministre de gauche slovaque : « j’ai le sentiment que,
nous, en Europe, sommes en train de commettre un suicide rituel…
L’islam n’a pas sa place en Slovaquie. Les migrants changent
l’identité de notre pays. Nous ne voulons pas que l’identité de
notre pays change. » (2016)
LA
COMPLAISANCE DES EUROPÉENS DANS LA DÉTESTATION DE SOI
Il y a un
orgueil à se présenter comme les seuls vraiment méchants de la
planète. Tout ce qui arrive, l’Europe en est responsable
directement ou indirectement. Comme avant lui Pascal Bruckner,
Douglas Murray brocarde l’auto-intoxication des Européens à la
repentance. Les gens s’en imbibent, nous dit-il, parce qu’ils
aiment ça. Ça leur procure élévation et exaltation. Ça leur
donne de l’importance. Supportant tout le mal, la mission de
rédemption de l’humanité leur revient.
Ils
s’autoproclament les représentants des vivants et des morts.
Douglas Murray cite le cas d’Andrews Hawkins, un directeur de
théâtre britannique qui, en 2006, au mi-temps de sa vie, se
découvrit être le descendant d’un marchand d’esclaves du 16ème siècle.
Pour se laver de la faute de son aïeul, il participa, avec
d’autres dans le même cas originaires de divers pays, à une
manifestation organisée dans le stade de Banjul en Gambie. Les
participants enchainés, qui portaient des tee-shirts sur
lesquels était inscrit « So Sorry », pleurèrent à genoux,
s’excusèrent, avant d’être libérés de leurs chaines par le
Vice-Président gambien.
« Happy
end », mais cette manie occidentale de l’auto-flagellation, si
elle procure un sentiment pervers d’accomplissement, inspire du
mépris à ceux qui n’en souffrent pas et les incitent à en jouer
et à se dédouaner de leurs mauvaises actions. Pourquoi disputer
aux Occidentaux ce mauvais rôle. Douglas Murray raconte une
blague de Yasser Arafat qui fit bien rire l’assistance, alors
qu’on lui annonçait l’arrivée d’une délégation américaine. Un
journaliste présent lui demanda ce que venaient faire les
Américains. Arafat lui répondit que la délégation américaine
passait par là à l’occasion d’une tournée d’excuses à propos des
croisades !
Cette
attitude occidentale facilite le report sur les pays occidentaux
de la responsabilité de crimes dont ils sont les victimes. Ce
fut le cas avec le 11 septembre. Les thèses négationnistes
fleurirent, alors qu’on se demandait aux États-Unis qu’est-ce
qu’on avait bien pu faire pour mériter cela.
Cette
exclusivité dans le mal que les Occidentaux s’arrogent ruissèle
jusques et y compris au niveau individuel. Après avoir été violé
chez lui par un Somalien en avril 2016, un politicien norvégien,
Karsten Nordal Hauken, exprima dans la presse la culpabilité qui
était la sienne d’avoir privé ce pauvre Somalien, en le
dénonçant, de sa vie en Norvège et renvoyé ainsi à un avenir
incertain en Somalie. Comme l’explique Douglas Murray, si les
masochistes ont toujours existé, célébrer une telle attitude
comme une vertu est la recette pour fabriquer « une forte
concentration de masochistes ». « Seuls les Européens sont
contents de s’auto-dénigrer sur un marché international de
sadiques ».
Les
dirigeants les moins fréquentables sont tellement habitués à
notre autodénigrement qu’ils y voient un encouragement. En
septembre 2015, le président Rouhani a eu le culot de faire la
leçon aux Hongrois sur leur manque de générosité dans la crise
des réfugiés. Que dire alors de la richissime Arabie saoudite
qui a refusé de prêter les 100 000 tentes climatisées qui
servent habituellement lors du pèlerinage et n’a accueilli aucun
Syrien, alors qu’elle offrait de construire une mosquée en
Allemagne ?
La posture
du salaud éternel, dans laquelle se complait l’Europe, la
désarme complètement pour comprendre les assauts de violence
dont elle fait l’objet et fonctionne comme une incitation.
LA
CULPABILILITÉ OCCIDENTALE
Beaucoup
d’Européens, ce fut le cas d’Angela Merkel, ont cru voir, dans
la crise migratoire de 2015, une mise au défi de laver le
passé : « Le monde voit dans l’Allemagne une terre d’espoir et
d’opportunités. Et ce ne fut pas toujours le cas » (A. Merkel,
31 août 2015). N’était-ce pas là l’occasion d’une rédemption de
l’Allemagne qu’il ne fallait pas manquer ? Douglas Murray
décrit ces comités d’accueils enthousiastes qui ressemblaient à
ceux que l’on réservait jusque là aux équipes de football
victorieuses ou à des combattants rentrant de la guerre. Les
analogies avec la période nazie fabriquent à peu de frais des
héros. Lorsque la crise migratoire de 2015 survient il n’y a pas
de frontière entre le Danemark et la Suède. Il suffisait donc de
prendre le train pour passer d’un pays à l’autre. Pourtant, il
s’est trouvé une jeune politicienne danoise de 24 ans – Annika
Hom Nielsen – pour transporter à bord de son yacht, en écho à
l’évacuation des juifs en 1943, des migrants qui préféraient la
Suède au Danemark mais qui, pourtant, ne risquaient pas leur vie
en restant au Danemark.
Si beaucoup
de pays expient l’expérience nazie, d’autres expient leur passé
colonial. C’est ainsi que l’Australie a instauré le « National
Sorry Day » en 1998. En 2008, les excuses du Premier ministre
Kevin Rudd aux aborigènes furent suivies de celles du Premier
ministre canadien aux peuples indigènes. Aux États-Unis,
plusieurs villes américaines ont rebaptisé « Colombus Day » en
« Indigenous People Day ». Comme l’écrit Douglas Murray, il n’y
a rien de mal à faire des excuses, même si tous ceux à qui elles
s’adressent sont morts. Mais, cette célébration de la
culpabilité « transforme les sentiments patriotiques en honte ou
à tout le moins, en sentiments profondément mitigés ».
GÉNÉRALISATION
ET ESSENTIALISATION : DES CRIMES TYPIQUEMENT EUROPÉENS
Si l’Europe
doit expier ses crimes passés, pourquoi ne pas exiger de même de
la Turquie ? Si la diversité est si extraordinaire, pourquoi la
réserver à l’Europe et ne pas l’imposer à, disons, l’Arabie
saoudite ? Où sont les démonstrations de culpabilité des Mongols
pour la cruauté de leurs ascendants ?
« il y a peu
de crimes intellectuels en Europe pires que la généralisation et
l’essentialisation d’un autre groupe dans le monde». Mais le
contraire n’est pas vrai. Il n’y a rien de mal à généraliser les
pathologies européennes, et les Européens ne s’en privent pas
eux-mêmes.
L'EXALTATION
DES AUTRES
Le pendant à
l’autodénigrement et à la culpabilité européennes est
l’exaltation de l’Autre, même dans les circonstances les plus
invraisemblables. Le multiculturalisme, qui fait une place
particulière aux cultures apportées par les migrants, s’il est
vu comme LA seule solution au problème posé par l’immigration
massive, a l’avantage de tenir à distance les prétentions
hégémoniques des cultures européennes, dont il faut toujours se
méfier.
Afin de
devenir vraiment multiculturels, les pays européens ont insisté
sur leurs mauvais côtés, exaltant par ailleurs les apports
extérieurs : « Changer le passé pour qu’il s’adapte aux réalités
présentes ».
C’est
particulièrement vrai avec l’islam. Plus la réalité faisait
douter de la « religion de paix et de tolérance », plus on vanta
les mérites passés des civilisations islamiques, notamment du
temps de l’occupation du sud de l’Espagne présentée comme
l’exemple même d’une société multiculturelle harmonieuse et
heureuse ! Embellir le passé pour se donner des raisons
d’espérer.
En 2010, une
exposition londonienne, « 1001 Islamic Inventions », faisait
l’inventaire de tout ce que le monde islamique avait apporté à
l’Occident, c’est-à-dire à peu près tout.
Quelle
chance pour les musulmans d’avoir une civilisation pareille !
Tout plutôt que la civilisation européenne. La Suède, à ce petit
jeu, gagne le pompon.
Douglas
Murray raconte que la ministre suédoise de l’intégration, Mona
Sahlin, déclara en 2004, dans une mosquée kurde, que beaucoup de
Suédois étaient jaloux des Kurdes parce qu’ils possèdent une
culture riche et unificatrice quand les Suédois n’ont que des
choses ridicules telles que le fête de la Nuit de la Saint-Jean.
Quand il fut
demandé à Lise Bergh, la secrétaire d’État spécialisée sur les
droits de l’homme, l’inclusion…, si cela valait le coup de
préserver la culture suédoise, elle répondit : « Bon, qu’est-ce
que la culture suédoise ? Et avec ça je pense que j’ai répondu à
votre question. » Mais, nous dit Douglas Murray, généralement,
ce type de question est soigneusement évité en Europe, en raison
des difficultés sous-jacentes : « Quelles parts de leur culture
les Européens devraient-ils abandonner volontairement ?
Qu’est-ce qu’ils y gagneraient et à quelle échéance ? »
En 2015,
Ingrid Lomfors, la patronne de l’équivalent suédois du Mémorial
de la Shoa, déclarait lors d’une conférence en faveur de la
politique du gouvernement « Sweden together », en présence du
roi et de la reine, que l’immigration en Suède n’avait rien de
neuf, que tout le monde était un migrant et que la culture
suédoise n’existait pas. Le soir du 24 décembre 2014, le tout
juste ex-Premier ministre de Suède, Fredrik Reinfeldt, déclarait
à la télévision que les Suédois étaient sans intérêt et que les
frontières étaient des constructions fictives.
Mais
l’Allemagne pratique aussi, à l’excès, ce souci de l’Autre.
Après l’attaque du train en Allemagne en juillet 2016, il s’est
trouvé une parlementaire allemande du Parti vert pour demander
pourquoi la police avait tuer l’attaquant au lieu de le blesser.
LA
CRISE MIGRATOIRE DE 2005
Douglas
Murray, qui s’est rendu dans de nombreux points chauds, revient
longuement sur cette crise migratoire. Sans entrer dans le
détail, relevons un fait qui m’a frappé moi aussi : le rapport
de masculinité élevé. On a su très vite qu’il s’agissait dans
une grande majorité de jeunes hommes, y compris parmi les
mineurs. Outre que cette arrivée de jeunes hommes et adolescents
a modifié de façon visible le sex-ratio en Suède, on aurait pu
se demander quel péril guettait les filles restées au pays.
Pourquoi les familles étaient-elles si pressées de sauver leurs
garçons et pas leurs filles ?
Les mesures
prises pour sauver les étrangers en mer, au plus près des côtes
libyennes ont été vite connues et intégrées par les passeurs,
pour accélérer leur business et empiler toujours plus de
migrants dans des embarcations dangereuses. L’information
circule à grande vitesse, comme ce fut le cas avec les
déclarations d’Angela Merkel ne fixant aucune limite au nombre
d’étrangers qu’elle était prête à accueillir.
Le racisme
dont les Européens s’enorgueillissent d’être les vrais
coupables, n’épargne pas les frêles embarcations sur lesquelles
sont entassés les migrants. Ce sont les Subsahariens qui sont
mis aux endroits les plus périlleux et sont les premiers à se
noyer. Des chrétiens ont été battus et jetés à la mer lorsque
les autres passagers ont su qu’ils étaient chrétiens.
La traite
est impitoyable. Les passeurs n’hésitent pas à envoyer des
vidéos mettant en scène les abus et les tortures de migrants,
via leurs Smartphones, à destination des familles pour
recueillir plus d’argent. L’identification des migrants est très
difficile et le rythme des arrivées ne permet pas une
vérification approfondie. Beaucoup arrivent sans papiers. Ceux
qui débarquaient à Lesbos connaissaient le prix du taxi pour
Moria. Et, à Malmö, c’est dans les poubelles en ville que l’on
retrouvait nombre de papiers d’identité abandonnés.
L’exaltation
suscitée par la crise migratoire de 2015 chez certains
gouvernants, et tout particulièrement Mme Merkel, a conduit à
certains retournements. En 2010, elle déclarait que le
multikluti ne fonctionnait pas, mais en 2015, elle insistait sur
le fait que tout allait bien se passer et que ce qui avait
échoué par le passé avec des flux moins volumineux, allait
réussir cette fois !
DE
NOUVEAU UN PROBLÈME AVEC LA RELIGION : LES NOUVEAUX
DISSIDENTS
Qui aurait
pensé, il y a 20 ou 30 ans que l’Europe serait à nouveau
déchirée par des débats sur la place de la religion ?
On a toléré
de musulmans « offensés et en colère » beaucoup plus qu’on ne
l’aurait fait pour d’autres. C’était déjà le cas en 1989, après
la publication des versets sataniques de Salman Rushdie. Ainsi,
Cat Stevens, « rebaptisé » Yusuf Islam après sa conversion,
déclara lors d’une émission télévisée de la BBC que Salman
Rushdie méritait la mort et qu’il regrettait que les portraits
en flammes que l’on voyait lors des manifestations ne soient pas
« la chose en vrai », autrement dit Salman Rushdie lui-même. Il
ne fut pas poursuivi pour ses propos.
Peu de gens
ont compris, en 1989, avec l’affaire Rushdie, que nous avions
changé d’ère.
Partout en
Europe, se trouvèrent des « idiots utiles » qui ont non
seulement protégé et défendu l’indéfendable mais ont été des
activistes de la cause. C’est ce qui causa l’assassinat de Pim
Fortuyn par un Végan, défenseur de la cause animale, qui croyait
ainsi venir en aide aux musulmans. La radicalisation des propos
à son égard de la part de ses opposants, qui franchirent
rapidement le point Godwin, l’ont, en quelque sorte, désigné à
la vindicte. « Dans un entretien télévisé, peu de temps avant sa
mort, Fortuyn parla des menaces de mort qu’il recevait et
déclara que, si quoi que soit lui arrivait, ses opposants
politiques, qui l’avaient tellement démonisé, auraient leur part
de responsabilité. »
Mais celle
qui symbolise le mieux le malaise européen est sans doute Ayaan
Hirsi Ali. Voilà une jeune femme qui incarne la résistance à
l’extrémisme religieux, qui aurait dû être la coqueluche des
intellectuels européens et qui a été lâchement abandonnée.
Somalienne, réfugiée aux Pays-Bas, alors qu’elle fuyait un
mariage forcé, Ayaan Hirsi Ali apprit la langue de son nouveau
pays tout en travaillant et put ainsi entreprendre des études à
l’Université de Leiden. Elle en sortit diplômée et devint
chercheur. Sans parler de son engagement politique. Son parcours
est d’autant plus remarquable qu’elle était, adolescente,
favorable à l’exécution de Salman Rushdie. Le 11 septembre 2001
l’amena à remettre en cause ses convictions religieuses et à les
abandonner. Le parcours exemplaire qu’elle avait construit
depuis son arrivée en Hollande aurait dû en faire un modèle
d’intégration. Menacée, Ayaan Hirsi Ali finit par se voir
accorder une protection policière. Alors qu’elle représentait
tout ce qu’un pays européen pouvait souhaiter de ses migrants,
elle se vit retirer sa nationalité néerlandaise par la ministre
de l’immigration et de l’intégration qui appartenait au même
parti qu’elle, sous l’allégation de fausse déclaration.
Décidément, la Hollande avait fait son choix. Elle refusait
d’assurer la protection d’une femme qui défendait tout ce que
les Européens avaient si précieusement acquis. Comme l’écrit
Douglas Murray : « le pays qui avait laissé entrer des centaines
de milliers de musulmans sans espérer d’eux qu’il s’intégrassent
et qui abritait en son sein quelques spécimen des prêcheurs les
plus radicaux en Europe, privait de sa citoyenneté l’un des
seuls immigrants qui avait montré à quoi pourrait ressembler un
immigrant pleinement intégré. » Ayaan Hirsi Ali, ne recevant
finalement aucune de protection en Europe, finit par s’installer
aux Etats-Unis.
Comme dans
d’autres pays, c’est celui qui sonnait l’alarme qui fut
considéré comme un gêneur. L’Europe semblait alors croire que le
problème de l’extrémisme disparaîtrait avec ceux qui le
dénonçaient, écrit Douglas Murray.
UN
CLIMAT INTIMIDANT
La peur de
se voir dénoncé comme raciste ou, pire, de risquer sa vie,
conduit à faire silence sur des faits insoutenables.
Les viols
collectifs d’enfants à Rotterdam et à Oxfordshire ont été passés
sous silence par la police par peur des accusations de racisme
et par peur de nuire aux relations intercommunautaires. Ces
situations de viols passés sous silence ou minimisés se sont
multipliées en Europe dans la foulée de la vague migratoire de
2015. Un musulman du nord de l’Angleterre qui s’était insurgé
contre les viols collectifs de filles blanches par des membres
de sa communauté a reçu des menaces de mort.
Avoir un
avis sur la question peut être dangereux et cela ne concerne pas
seulement les politiciens. La violence des réactions conduit à
la clôture des débats. Toute vie peut être ruinée par la
reconnaissance de ce qui arrive, sans parler de propositions
visant à en changer le cours. Il est plus profitable d’ignorer
le problème et de mentir. Il y a ce que les gens pensent et ce
qu’ils croient qu’ils sont autorisés à penser. Mais, comme le
fait remarquer Douglas Murray, il est périlleux d’ignorer ce que
ressent la majorité des gens ou d’aller répétant qu’il est
impossible d’y remédier.
Les opinions
publiques ont bien compris que « ce qui se trouve en-dessous du
terrorisme constitue un plus grand problème encore ». Cette
prise de conscience effraie les élites pour lesquelles le pire
ne peut appartenir qu’aux Européens. D’où la nécessité des les
rééduquer. D’abord parce que c’est plus facile et que cela vous
signale comme particulièrement vertueux. L’accusation de racisme
si aisément dégainée et le parallèle avec le nazisme valorisent
celui que s’y adonne et innocentent forcément la partie adverse.
On ne peut qu’être innocent face à un nazi. Comme l’écrit
Douglas Murray, « traiter quelqu’un de fasciste ou de raciste
est un exercice sans risque qui ne peut apporter que des
avantages politiques et personnels ».
DÉNI, MENSONGES ET CACHOTTERIES
L’immigration
massive, sans toujours avoir été planifiée, est devenue une
préoccupation des opinions publiques européennes. Pourtant, au
Royaume-Uni, du temps de Tony Blair, il y eut une politique
délibérée, du côté du Labour, de transformer la société. On
apprit, plus tard, que Tony Blair avait favorisé l’immigration
pour forcer les conservateurs à regarder la diversité en face
(déclaration d’Andrew Neather, ancien porte-parole du
gouvernement, en 2009). Toute idée de restriction de
l’immigration était qualifiée de raciste. Au lieu de tenir
compte des inquiétudes de l’opinion publique, les politiques ont
répliqué en proférant des accusations en direction des inquiets.
À des moments différents selon les pays, un éloge de la
diversité et du multiculturalisme devint monnaie courante.
Le déni est
le refuge de décideurs qui pensent qu’ils ne peuvent rien faire
contre les arrivées massives de migrants. Ils cherchent donc à y
accoutumer les opinions publiques et à présenter les choses sous
un jour positif, tout en minimisant les inconvénients ou en les
ignorant. Ce que ne peuvent faire les citoyens qui ont ce qu’ils
ont sous les yeux.
Les
dirigeants, qui ont pratiqué la politique du fait accompli, ne
manquent pas d’arguments pour vanter une situation qu’ils n’ont
rien fait pour éviter.
Les
arguments bien connus en faveur du statu quo changent avec l’air
du temps en fonction de la résistance qu’ils rencontrent. Et
l’on passe sans mal d’un argument à l’autre : bénéfice
économique, les emplois dont les natifs ne veulent pas,
démographie… Et si tout cela ne marche pas vient l’argument de
la diversité.
Il
faut s’y faire / Rien de nouveau / Nous n’y pouvons rien
L’injonction
« Adaptez-vous ! » peut très bien être teintée d’incitations à
expier le passé : Tournez-la page, rien de nouveau, vous avez
été horribles, maintenant vous n’êtes plus rien.
En
Angleterre, la publication des résultats du recensement de 2011,
qui montraient que les « White British » étaient désormais
minoritaires à Londres, fit les délices « des trois quarts des
participants » aux débats de NewsNight sur la BBC. Le maire de
Londres Boris Johnson déclara : « Nous devons cesser de nous
lamenter sur la digue qui a sauté (dam-burst). C’est arrivé. Il
n’y a rien que l’on puisse y faire sauf faire en sorte que
l’absorption soit la plus digeste possible. »
La
diversité, c’est bon pour vous
Les
Européens s’enrichissent en découvrant les cultures du monde.
S’il y a une partie de vrai dans ce raisonnement, reste à
prouver que tout cela n’est pas une question de dosage. Les
Européens voyagent de plus en plus. Ils peuvent aimer découvrir
les autres modes de vie sans que ceux-ci finissent par devenir
les leurs. Rarement sont évoqués les côtés déplaisants et,
lorsqu’ils le sont, ceux qui le font se voient rapidement voués
aux gémonies. Douglas Murray résume la situation ainsi : « Ce
n’est pas une si mauvaise affaire : s’il y a un peu plus de
décapitations en Europe que de coutume, au moins bénéficierons
nous d’un plus grand nombre de cuisines ».
L’Europe se
dit heureuse de sa diversité et fière d’avoir des villes
internationales. Mais qu’arrivera-t-il, se demande Douglas
Murray, lorsque ce seront les pays qui seront internationaux ?
De quoi le « nous » sera-t-il fait ?
Diversions
et illusions
Si l’on
intensifie l’aide au développement, on tarira à la source les
flux migratoires nous dit-on. Qui peut être contre l’aide au
développement ? Seulement, on sait aussi que lorsque le niveau
de vie s’accroît les ressources pour partir aussi, favorisant
ainsi les flux migratoires.
Après la
tuerie de Nice, les débats en France se sont enflammés sur le
burkini. Pour Douglas Murray, c’était une manière de faire
diversion, pour parler de la chose, sans toucher à l’essentiel
du problème.
On avait
déjà fait la même chose en d’autres circonstances, avec la loi
sur le voile à l’école par exemple. Au lieu de viser le voile,
il avait fallu viser les autres religions en même temps, alors
que tout le monde savait de quoi il retournait. Si l’on ne peut
porter le voile à l’école, on ne peut pas non plus porter une
grande croix en bois, dont personne ne se rappelait en avoir
jamais vue à l'école !
Déni
et camouflage des informations dérangeantes
Lorsque des
« innocents » se conduisent mal, comme cela a été le cas par
exemple avec les viols collectifs en Suède, en Allemagne ou en
Autriche, des politiques et même des policiers, sans parler des
médias, cherchent généralement à enterrer l’affaire.
L’auto-défiance est telle que l’on craint plus la réaction à la
chose que la chose en elle-même. « En Allemagne en 2016, comme
en Grande-Bretagne au début des années 2000, la crainte des
conséquences que pourrait avoir l’identification des origines
raciales des agresseurs l’emporta sur la détermination des
policiers de faire leur travail. » On ne peut pas ici ne pas
évoquer l’affaire Sarah Halimi battue à mort, torturée et
défenestrée le 4 avril 2017. Il a fallu plus de deux mois pour
que l’affaire sorte dans la presse… et encore timidement. Il ne
fallait pas perturber la période électorale !
La Suède est
sans doute la championne du déni et de la politique
anesthésiante. Douglas Murray raconte la mésaventure d’Erik
Mansson, rédacteur en chef de l’Expressen,
en… 1993. Ce dernier rendit compte d’un sondage réalisé auprès
des Suédois qui indiquait que 63 % des Suédois voulaient que les
immigrants retournent chez eux. Erik Mansson écrivit que les
Suédois avaient une opinion bien arrêtée sur la politique
d’immigration et d’asile, différente de l’opinion de ceux qui
les gouvernent et qu’il y avait là une bombe à retardement. Le
principal résultat de cet article fut son licenciement par le
journal.
Douglas
Murray raconte sa rencontre avec un parlementaire allemand pour
qui l’afflux des réfugiés se limite à une question de gestion
bureaucratique. À part cela, accueillir 1 million de gens
n’était pas un gros problème. D’ailleurs, d’après ce
parlementaire, les réfugiés sont moins criminels que l’Allemand
moyen. Lorsque Douglas Murray lui demanda pourquoi cette
politique ne s’appliquait qu’aux Syriens et pas au reste du
monde, le parlementaire lui dit que les flux avaient baissé et
que, de toute façon, il refusait de répondre à une question
purement théorique. Comme si ce flux s’était tari spontanément.
Passer sous silence la fermeture des frontières et l’accord avec
Erdogan permettait, écrit Douglas Murray, au parlementaire de ne
pas s’écarter de sa rhétorique humanitaire.
Les
méfaits du déni
Le déni
creuse l’écart entre « les gens », comme dirait Jean-Luc
Mélenchon, et les élites politiques et médiatiques. Les premiers
savent que les élites leur mentent. Ils savent aussi ce qu’elles
semblent ignorer : le nombre compte. Pour Douglas Murray, « La
radicalisation trouve ses origines dans une communauté
particulière et tant que celle-ci s’accroît, la radicalisation
fera de même ». « Les politiques européens ne peuvent admettre
ce que chaque migrant traversant la méditerranée sait et que la
plupart des Européens ont fini par comprendre : une fois en
Europe, vous y restez. »
Le déni, le
mensonge venant d’en haut encouragent la radicalisation en bas.
Il déresponsabilise aussi les migrants et les incite à plus
d’audace. En octobre 2016, deux journaux allemands, Le Freitag et le Huffington Post Deutschland publiaient
un article d’un jeune Syrien de 18 ans qui disait en avoir marre
des Allemands en colère et des chômeurs racistes : « Nous,
réfugiés, … ne voulons pas vivre dans le même pays que vous.
Vous pouvez, et je pense que vous devriez, quitter l’Allemagne.
L’Allemagne n’est pas faite pour vous. Pourquoi vivez-vous
ici ?... Allez chercher une autre patrie. » Ce type d’arrogance
est encouragé par des attitudes comme celles du président de
district de Kassel qui, en octobre 2015, lors d’une réunion
publique, déclara à ses concitoyens qui n’étaient pas d’accord
avec l’accueil de 800 réfugiés, qu’ils étaient libres de quitter
l’Allemagne. »
RACE
ET ANTIRACISME
L’obsession
de la race est partout, chez les politiques, dans le sport, à la
télévision. Douglas Murray raconte ce qu’ont donné à Londres,
les répercussions du mouvement américain « Black Lives Matter ».
Les manifestants chantaient le slogan « Hands Up, Don’t Shoot »
lors de manifestations encadrées par des policiers sans arme. On
vit dans les rues de Londres un type armé d’une machette juché
sur les épaules de trois autres. Dans Hyde Park, la
manifestation se termina par un policier poignardé et quatre
autres blessés.
Douglas
Murray s’inquiète du pouvoir pris par les associations
antiracistes qui luttent contre les discriminations. Elles ont
cherché à prendre de plus en plus d’influence et à gagner des
sources de financement. Elles savaient bien que ce ne serait
possible que si le problème n’était pas résolu. Ce qui a eu pour
effet de faire croire que les discriminations s’étaient
aggravées – et méritaient d’être plus vivement combattues –
alors que les choses s’amélioraient.
DES
SOCIÉTÉS EUROPÉENNES ÉPUISÉES ?
Avec
l’effacement des croyances religieuses, les Européens sont
livrés à l’incertitude, se posent des questions sans réponses
toutes prêtes. Les Européens ont expérimenté la recherche de
l’absolu ailleurs (fascisme, nazisme, communisme) et cela n’a
donné rien de bon. « La plupart des souffrances de l’Europe
pendant le 20ème siècle
sont venues d’un effort profane de l’époque d’atteindre un
absolu politique ». Le rêve fasciste n’a pas peu fait pour
entretenir la ferveur communiste. Si deux idéologies apparemment
opposées (comme c’était le cas à l’époque) pouvaient mener là où
elles avaient conduit, alors, peut-être que n’importe quoi
d’autre peut y conduire aussi. Peut-être que toute idéologie et
toute certitude sont le problème.
Les
Européens ont tout essayé : « la religion et l’anti-religion, la
croyance et la non-croyance, le rationalisme et la foi dans la
raison… ces idées ont fait des centaines de millions de morts,
pas seulement en Europe, mais partout où ces idées ont été
appliquées. » Que peut faire une société après cela ? Douter, se
méfier d’elle même, ne pas juger les autres ? Cette attitude si
courante en Europe est une solution de facilité qui ne garantit
pas sa survie.
La plupart
des habitants du reste de la planète ne partagent pas cette
attitude. Ils ne craignent pas de poursuivre leur intérêt
propre. C’est aussi le cas en Europe de l’Est.
Si penser
aux migrants d’aujourd’hui, c’est penser aux juifs d’hier, et
réparer à travers les premiers le crime vis-à-vis des seconds,
alors l’Europe ne peut rien opposer à l’immigration massive.
Même si cette dernière, et plus encore surtout si cette
dernière, est vue comme une punition. "Se ranger du côté des
migrants, c’est se mettre du côté des anges. Parler en faveur
des Européens, c’est se mettre du côté du diable."
Douglas
Murray se demande combien de temps une société fondée sur ce qui
est sorti de la tradition chrétienne peut survivre sans se
référer aux croyances qui lui ont donné naissance. Pour les
Églises d’Europe, le message de la religion est devenu une forme
de politique de gauche, d’action en faveur de la diversité et du
bien être social. Ainsi, en Suède, l’archevêque Antje Jeckelen a
déclaré que Jésus se serait opposé aux restrictions que la Suède
a fini par mettre à l’immigration après la ruée de 2015.
Après avoir
perdu la croyance religieuse, et même le sens des métaphores
bourrées de références à la religion, nous dit Douglas Murray,
nous sommes sur le point d’abandonner le rêve d’une extension
illimitée de valeurs que nous croyions universelles. Et, le trou
creusé par la religion risque de s’agrandir.
« Les
étrangers qui viennent en Europe apportent leur propre culture
au moment précis où notre culture a perdu la confiance qui lui
permettrait de plaider sa cause ». Combien de temps cela peut-il
durer, se demande Douglas Murray, et qu’est-ce qui se profile
après ?
QUE
FAIRE, COMME AURAIT DIT LÉNINE ?
Pourquoi les
Européens devraient-ils être les seuls à porter les malheurs du
monde ? Que deviendra l’Europe si cette fuite en avant continue
? Pourquoi les Européens devraient-ils être les seuls à ne pas
pouvoir se préoccuper d’abord de leurs intérêts et de leur
avenir, comme le font la plupart des autres peuples du monde ?
Il faudrait,
nous dit Douglas Murray, que ceux qui gouvernent reconnaissent
leurs erreurs, qu’ils cessent de dire qu’ils veulent changer de
fond en comble la société, qu’ils reconnaissent enfin les
problèmes que la société a perçu bien avant eux, que la
diversité c’est bien, mais à dose raisonnable, sans quoi, en
plus des problèmes vécus par les autochtones, ce sont les
problèmes du monde entier qui se retrouvent en Europe.
Les
politiciens devraient reconnaître le bienfondés de certains
griefs.
Alors que
l’idée de grand remplacement de Renaud Camus est vouée aux
gémonies, et quelquefois est jugée à la 17ème chambre, le
grand remplacement assumé et revendiqué par les Indigènes de la
République et d’autres ne suscite pas la même désapprobation.
Qu’ont dû penser les Allemands lorsque, lors d’une émission sur
la télévision allemande, une jeune syrienne leur a dit qu’à
l’avenir les Allemands ne seront plus blonds aux yeux bleus,
mais d’origine immigrée ?
Ne
faudrait-il pas réserver l’ostracisme aux vrais partis fascistes
comme Aube dorée et
permettre aux autres partis dits d’extrême droite d’évoluer ? Il
serait bon, pour y arriver que le coût social lié à une fausse
accusation de racisme, de nazisme… soit équivalent à celui
encouru par ceux qui en sont vraiment coupables.
Il faudrait
aussi une attitude plus juste à l’égard du passé européen :
retenir les bons comme les mauvais moments.
CONCLUSION
DE DOUGLAS MURRAY
Mais, ce
qu’il faudrait faire ne ressemble guère à ce qui est le plus
probable. Les politiciens continueront de préférer les bénéfices
à court terme qu’ils tirent à paraître compatissants, généreux
et ouverts, même si cela conduit, à long terme, à des problèmes
nationaux. Ils continueront à garantir que l’Europe est le seul
endroit au monde qui appartient à tout le monde. D’ici la moitié
de ce siècle, alors que la Chine ressemblera encore à la Chine,
l’Inde à l’Inde… L’Europe ressemblera, au mieux, à une version
des Nations unies à grande échelle, écrit Douglas Murray.
En Hollande
et au Danemark, les politiciens hostiles à l’immigration vivent
sous protection policière. De quoi dissuader les vocations.
C’est tellement plus facile et gratifiant de se montrer
compatissant, généreux et ouvert. Les plus menacés sont ceux qui
ont cru aux promesses de l’Europe (Hirsi Ali, Maajid Nawaz,
Kamel Daoud…). Ceux qui défendent nos valeurs ont été abandonnés
à leur sort. Ils paient l’addition du déni. Ce sont eux les
premiers sacrifiés. Au lieu de représenter les modèles qu’ils
auraient dû être, ils font figure d’anti-modèles.
De jour en
jour, l’Europe perd toute possibilité d’un atterrissage en
douceur en réponse à de tels changements. Une classe politique
entière n’a pas réussi à apprécier ce que beaucoup d’Européens
aiment dans ce qui a été notre Europe, écrit Douglas Murray.
Prisonniers du passé et du présent, il semble que, pour les
Européens, il n’y ait pas de réponse décente pour l’avenir.
Mais, les Européens risquent de ne pas pardonner un changement
complet de notre continent.
Voir aussi
l'entretien avec Eugénie Bastié dans Le figarovox du 22 juin
2017
: http://premium.lefigaro.fr/vox/monde/2017/06/22/31002-20170622ARTFIG00313-douglas-murray-le-rejet-de-l-immigration-a-ete-la-raison-principale-du-brexit.php
Ed, BLOOMSBURRY CONTINIUM 2017
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